poème en prose histoire

poème en prose histoire

C'est de ce moment que date la thèse de Suzanne Bernard[iv], remarquable par la contradiction qu'elle présente entre un modèle textualiste très restrictif, et un corpus largement ouvert, incluant toutes sortes de textes où le rapport prose/poésie présente une pertinence, y compris les Chants de Maldoror, le vers-librisme stricto sensu et l'écriture automatique des surréalistes. Mallarmé parle de «forme» parce qu'il envisage les dispositifs typographiques, intervalles et «cassures du texte», nécessaires à un nouveau «traitement de l'écrit», c'est-à-dire à une réorganisation des enchaînements logiques et argumentatifs. Pour qui raisonne dans une perspective conditionnaliste sur les usages et les savoirs, en revanche, l'exemplarité de ces formes est évidente. — Et pendant trois autres jours et trois autres nuits je feuilletterai, aux blafardes lueurs de la lampe, les livres hermétiques de Raymond Lulle! Chacune de ses formes a une allure particulière : il y répond un bruit particulier. Autant que d'une approche théorique, il s'agit pour moi d'une interrogation sur ce que Certeau appelle «l'écriture de l'histoire». Il me semble possible de proposer pour la phase de constitution du genre (en gros: 1830-1880) un modèle pragmatique plus complexe (quoique schématisant les données disponibles, et écrasant quelque peu les processus de genèse). [xiii] Mallarmé, op. [xviii] Même si Gide s'en défend, comme le montre un propos de 1910: «ce n'est plus le moment d'écrire des poèmes en prose» (rapporté par Jacques Rivière dans son compte rendu de Miracles d'Alain-Fournier pour la N.R.F., 1924). Les poèmes de Max Jacob, caractérisés par la parade générique et l'exhibition des calembours, ne sont pas clos à la manière d'un «bijou» mais d'un «cornet», ou encore d'un «cadre» comme dans le poème cité: c'est-à-dire un contenant. Après le moment équivoque des Déserts de l'amour — où le format du poème en prose est adapté à une sorte de micro-roman — les Illuminations optent nettement pour la poésie non versifiée, le statut poétique du sujet et du texte qu'il produit étant assumé dans sa pleine dimension mythique ou sacrale (il suffit de comparer Génie à Perte d'auréole pour comprendre la puissance de cette requalification). B. Marchal, Gallimard, Bibl. On le constate d'abord de Baudelaire à Bertrand: au moment même où il institue le genre en reconnaissant le caractère fondateur de Gaspard de la nuit, Baudelaire fait l'aveu d'une déviation par rapport à son «brillant modèle» (déviation d'un tout autre ordre que la transposition de la petite ville ancienne à la métropole moderne): «je m'aperçus […] que je faisais quelque chose (si cela peut s'appeler quelque chose) de singulièrement différent[xi]». Autour de 1800, pendant que se constitue le romantisme, les aspirations des écrivains tendent de plus en plus vers l'absolu. Plus sur ce poème >> Poème de … Essai sur quelques états récents du vers français, Ramsay, 1988. Le poème en prose, depuis le romantisme, est un des lieux privilégiés de cette contestation. Il coïncide avec le cœur du processus, dont il accélère les effets et les rend lisibles; son cours, me semble-t-il, s'arrête avec lui. Rejoignez le site littéraire « De plume en plume » pour lire et commenter ses écrits. La Vie de prison in Angleterre. La première est traditionnelle et constitue une sorte de discours d'accompagnement et de légitimation; elle est tautologique, présupposant la définition du poème par l'unité d'effet (le plus souvent sans référence à Poe) et conférant aux procédés de poétisation de la prose une valeur de compensation ou de substitution; on en trouve une formulation détaillée dans la thèse de Suzanne Bernard. De plus, la prose n'est pas soumise aux règles du poème et elle s'oppose à la versification. C’est que l’histoire du poème en prose est celle de la lutte de l’univers « prosaïque » contre l’univers « poétique ». Elle modifie très profondément le statut de ces textes et leur environnement générique, les faisant passer du voisinage d'Alphonse Karr ou Paul de Kock à celui de Leconte de Lisle. Comme les histoires, les poèmes narratifs présentent un conflit, s'entendent jusqu'au point culminant et finissent par une résolution. La seconde est la thèse de «défiguration du langage poétique» soutenue par Barbara Johnson[vi]. Ce phénomène n'est en effet pas dissociable du moment de l'histoire où il s'inscrit. Ghéon qualifie le poème en prose de «forme naturelle, forme nécessaire de l'illumination poétique», «noué profondément à la plus obscure substance» du poète, «sur le bord de l'inconscient». Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit : « Je vais vous le dire ». Le propos fournit un jalon dans l'histoire de la poésiemoderne : un point de passage de l'illumination rimbaldienne à l'automatisme bretonien via la conception symboliste de l'inconscient (issue de Hartmann). Il réinvestit par conséquent le travail sur la disposition et la mise en page, dont Bertrand avait montré l'importance, en en faisant l'opérateur même de la réflexion. On lit par exemple dans La Revue blanche au moment où paraît Divagations que «le poème en prose présente ce caractère général que la prose, matière première, y est soumise à des exigences analogues aux poétiques[xvii]»: la formule convient assez bien à la production courante des revues littéraires, du Mercure de France à Vers et prose, et jusqu'aux débuts de la N.R.F.[xviii]. Quant à Huysmans c'est dès 1884 qu'il fait l'éloge du genre comme caractéristique de la décadence moderne, qu'il en établit la généalogie et en fixe le canon tout en l'inscrivant dans une perspective élargie. Au niveau du texte comme unité, la relation est disjonctive. Dans « Tu as bien fait de partir Arthur Rim­baud » de René Char, la première expression figure de manière anaphorique au début du 3e paragraphe, comme un refrain. The Ballad of Reading Goal. Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIX siècle et pour la poésie plus précisément les années 1820-1850 : par convention, des Méditations poétiques de Lamartine, en 1820, aux Contemplations de Victor Hugo en 1856. Ces jongleurs finissent souvent par se sédentariser auprès d'un seigneur. Cette évolution correspond à un changement de statut de la forme, qui entraîne une réorganisation des postures énonciatives, de l'éthos du genre et du rapport au lecteur. Trois noms doivent ici être avancés: Fargue, Reverdy, Max Jacob. Cette histoire n'a rien de linéaire; elle est faite d'écarts et de recommencements, et à chaque étape décisive un scénario du même type … La première vise à l'élaboration d'une poésie non versifiée, susceptible de fournir une alternative au poème en vers dans ses attributions génériques, topiques et stylistiques traditionnelles(pensons par exemple aux Natchez). Navigation : > Bibliothèque > Tous les Textes > Textes, Poèmes en prose > Complets. cit., t.II, p. 200. [xxvi] Max Jacob, Le Cornet à dés, Gallimard Poésie, 2003; c'est l'édition de référence procurée par Etienne-Alain Hubert, avec un texte revu et un dossier critique. L’expression « poème en prose » est paradoxale puisqu’elle réunit deux termes qui s’opposent : la prose, écriture libre, et la poésie, qui repose sur les contraintes du vers, des rythmes et des rimes. Suzanne Bernard, dans sa thèse Le Poème en prose de Baudelaire jusqu’à nos jours (Nizet, 1959) propose les critères suivants : « Il s’agit d’un texte en prose bref, formant une unité et caractérisé par sa « gratuité », c’est-à-dire ne visant pas à raconter une histoire ni à transmettre une information, mais recherchant un effet poétique ». Les vers sont ensuite agencés en strophes (ou paragraphes) qui ajoutent encore à la structure de l'œuvre. Dans les instructions dont Aloysius Bertrand accompagne son Gaspard de la nuit, le rôle constitutif de la mise en page dans la perception générique est assumé avec une netteté qui fait — rétroactivement — de ce paratexte un moment fondateur: «Règle générale. Au contraire il en reconfigure le cadre, comme s'il voulait en préserver le caractère problématique ou empêcher une cristallisation. Le poème en prose est parfois divisé en para­graphes. Mais il reprend sur de tout autres bases le partage entre prose et poésie. Certains poètes du XXe siècle, Claudel, Char, Ponge, Michaux, adoptent ce genre. Mais le point qui nous concerne est que Ghéon reconstruit une généalogie du genre, par moments successifs reliés par homologie:«Si M. Fargue continue Baudelaire, c'est comme Rimbaud continuait Baudelaire; il ne l'imite point». Lire plus d'article sur la poésie et le poème en prose : Le poème en prose : définition, caractéristiques et exemples. L'hypothèse de base consiste à définir le poème en prose comme ré-élaboration stylistique d'un ensemble de genres ou formes discursives préexistants: «osmazôme de la littérature» comme disait Huysmans[vii], c'est-à-dire à la fois concentration (voire sublimation), et homogénéisation par un passage au second degré. Soit la prose se dispose en poème, par la mise en page et (ou) par des procédés de structuration textuelle qui produisent une sorte de périodicité ou en suggèrent l'analogie. Les textes de Reverdy sont très brefs, souvent proches du format des Nouvelles en trois lignes de Fénéon: ils se présentent sur la page comme un bloc compact entouré de blanc. La parenté des Poèmes avec les chroniques (reprises dans plusieurs recueils, dont Le Piéton de Paris) atteste de l'ancrage du genre dans les supports périodiques ; poèmes et chroniques entretiennent aussi un rapport obscur mais essentiel avec la parole vivante, cette conversation pour laquelle Fargue disposait de dons exceptionnels. Le titre s'est imposé peut-être par défaut, se substituant à Nocturnes qui insistait trop sur l'analogie musicale et sur la filiation avec Bertrand. Le poème en vers ne connaît pas chez Baudelaire une mutation comparable; son lieu de prépublication est d'ailleurs la revue, Revue de Paris ou Revue des Deux-Mondes, non le journal; on en dirait autant des poèmes en prose de Mallarmé ou même de Charles Cros. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Ce que nous lisons, c'est le stoppage par lassitude, sous la pression des éditeurs ou des amis, d'un poème ininterrompu. Le processus d'ancrage générique ne s'arrête pas pour autant, et il est favorisé par l'effervescence formelle et théorique du symbolisme. Ces poèmes nouveaux influencent rapidement Baudelaire (Le Spleen de Paris), Rim­baud (Illuminations), Lautréamont (Les Chants de Maldoror), Mallarmé. Ces phénomènes sont assez rares mais on trouve souvent des phrases longues et construites sur les rythmes ternaires ou sur des effets de reprise. Les poètes trouvaient le style versifié des poèmes traditionnels trop contraignants. Baudelaire est un poète nourri de romantisme mais malgré tout tourné vers le classicisme entre le Parnasse et le symbolisme. Méthode synthétique : en fait la réponse à cette question pourrait constituer une ou deux caractéristiques supplémentaires pour définir les poèmes en prose. La prose en poésie apparaît durant le mouvement littéraire romantique à la fin du 18e siècle. Les jongleurs sont des amuseurs itinérants qui distraient de grandes assemblées en racontant des histoires en vers. La venue au premier plan de Rimbaud autour de 1908, et le glissement vers les Illuminations d'une référence longtemps centrée sur les poèmes en vers, Bateau ivre ou Voyelles, jouent un rôle décisif dans cette redéfinition. Texte 1 : Aloysius Bertrand, "L'alchimiste". Precédés de l'histoire de la Ballade de la geole de Reading par le traducteur. Affichage des publications 0 à 25 1 . On les appelle alors des ménestrels. [viii] Graham Robb, «Les origines journalistiques de la prose poétique de Baudelaire», Les Lettres romanes, XIV, 1990, p. 15-25. [iv] Suzanne Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours, Nizet, 1959 (rééd. Comme une sorte de Janus, le poème en prose s'inscrit dans deux perspectives génériques distinctes, contemporaines mais non synchrones, compatibles entre elles mais nettement divergentes. ». Cette désignation par le support s'oppose au titre de Poésies adopté en pour le volume de 1887, puis pour l'édition Deman, ainsi qu'à l'emploi de titres génériques (Plusieurs sonnets, Petit air, Chansons bas) ou à l'usage méta-poétique du mot «poème» dans Don du poème: elle est d'un autre ordre. Dans le poème de Ponge, la mie du pain est métaphorisée en un "lâche et froid sous-sol". [xxv] Les Poèmes en prose ont été repris par Reverdy dans Plupart du temps (1945), Gallimard Poésie, 1969, t.I, p. 46. L'histoire du poème en prose nous offre donc des répétitions statistiquement probantes sur une échelle de temps réduite. Le lien avec le reportage va tomber dans l'oubli, et c'est en tant que livre que les Petits poëmes en prose sont à l'origine d'une tradition générique; Rimbaud (très probablement), Claudel ou Valéry n'en ont eu connaissance que sous cette forme. Les effets seront longs à s'en faire sentir, mais on peut remarquer que le choix de Mallarmé exerce une influence directe sur ceux de Valéry, chez qui le pli critique se referme sur le poème en prose, pratiqué par intermittence dans les Cahiers mais jamais assumé ni publié comme forme poétique[xvi]. Je ne m'étendrai pas ici sur leur querelle, ni sur le rôle qu'y joue la référence à Rimbaud, défendu par le premier contre le second malgré des réserves explicites; à ces questions Etienne-Alain Hubert a consacré un article définitif[xxiii]. Ronsard est un poète de la Renaissance du XVIème siècle. Mais avec le Romantisme apparaît une exigence de liberté, qui donne naissance à un genre tout à fait nouveau. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Surtout il fait jouer de plusieurs manières la relation constitutive entre hypo-texte et poème. DEUXIEME PARTIE : Ils sont tous construits selon une progression comparable. Ils ne font nullement saillie: aucune semiosis particulière, aucune hétérogénéité ne les signalent. La compétence qui lui correspond consiste donc d'abord en une mémoire générique relativement diversifiée, qui conditionne non la perception de l'hypo-texte en tant que tel mais l'activation de ses ressources topiques et de ses schèmes herméneutiques. De la gouttière attenante où elle coule avec la contention d'un ruisseau creux sans grande pente, elle choit tout à coup en un filet parfaitement vertical, assez grossièrement tressé, jusqu'au sol où elle se brise et rejaillit en aiguillettes brillantes. On suppose que la poésie n'est plus dépendante de la versification. Mais une part du texte, comme le montrent les documents de genèse, procède d'un travail sur la prose narrative, qui opère non par composition de micro-éléments articulés mais par déconstruction et si l'on peut dire blanchiment de séquences de récit. Les vers les plus employés sont l’alexandrin*, l’octosyllabe* et le décasyllabe*. Suzanne Bernard, dans sa thèse Le Poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours (Nizet, 1959) propose les critères suivants : « Il s'agit d'un texte en prose bref, formant une unité et caractérisé par sa « gratuité », c'est-à-dire ne visant pas à raconter une histoire ni à transmettre une information, mais recherchant un effet poétique ». cit, p. 690). D'autre part la Bibliographie du volume contient une importante proposition, dans laquelle Mallarmé définit le «poème critique» en tant que «forme actuelle» issue d'une convergence entre sa propre recherche et «ce qui fut longtemps le poème en prose[xv]». « Aube » commence (J’ai embrassé l’aube d’été) et finit (Au réveil il était midi) par un octosyllabe. LE DERNIER LIVRE DE LA BIBLIOTHÈQUE. C'est aussi un Laboratoire central (encore Max Jacob) de manipulations génériques; mais nous ne devons accorder aucun privilège «créateur» à cet aspect particulier. [xii] Il s'agit de L'Orgue de Barbarie et de La Tête qui parurent en juillet 1864 dans La Semaine de Cusset et de Vichy. Le double critère du style et de la «situation» définit le poème en prose par sa structure interne et par son effet, comme un objet à la fois clos (ce que confirment les expressions d'«objet construit» et de «bijou») et dépaysant; définition remarquable mais qui convient bien mieux à Reverdy qu'à Max Jacob — comme si ce dernier avait voulu ramener l'œuvre de son cadet sous sa propre visée théorique. Je me bornerai à souligner quelques points relatifs à leur stratégie générique. [ii] Je me permets de renvoyer à ces ouvrages: Michel Murat, Le Vers libre, à paraître en 2008; Le Coup de dés de Mallarmé: un recommencement de la poésie, Belin, 2005; L'Art de Rimbaud, José Corti, 2002. Rien encore ! Les troubadours composent des poèmes lyriques et s'accompagnent d'un instrument de musique. « Aube » retrace une évolution à la fois spatiale (changements de lieux) et temporelle (change­ments de temps) perceptible dans chaque para­graphe. La résonance profonde qui en émane est plutôt poétique que littéraire; je veux dire qu'elle ne met en œuvre ni l'histoire du genre comme tel, ni les options esthétiques et les stratégies qui lui sont associées, mais qu'elle parle de notre séjour: «Dans l'ombre un homme informe ou une femme sans âge cherche, et, sans qu'on puisse savoir de quoi, emplit sa hotte[xxv].» Cet homme informe n'est pas le poète. Dans « Ondine », on observe une construction dans laquelle chaque élément cité prend appui sur l’élément précédent : Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque cou­rant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais.... Dans « Le mimosa » de Francis Ponge, la pre­mière phrase conduit de la présentation, Le voici..., au terme le mimosa, qui est le dernier du paragraphe. CARACTERISTIQUES DU … Baudelaire veut d'ailleurs créer « une prose poétique assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements [...], aux ondulations [...], aux soubresauts [...] » Ce qui était vrai. Par les options stylistiques qu'il adopte (découpage, ponctuation, syntaxe), Rimbaud renoue avec la visée générique de Bertrand; il remet la forme au cœur de la poésie moderne. D'autre part le recueil produit par lui-même une qualification générique globale, surtout lorsque le rassemblement se fait sous un titre rhématique. Elle joue un rôle important même si elle n’est pas immédiatement visible. Cette adorable bague jetée, comme celle des doges, à la mer, pendant la furie des vagues romantiques, et engouffrée, apparaît maintenant, rapportée par les lames limpides de la marée» (lettre de février 1866 à Victor Pavie, op. En effet, pour s’en tenir à la tradition écrite et sans tenir compte des formes mixtes relevant du poème en prose, ... Une autre façon de s’orienter dans le massif des formes mixtes mêlant prose et vers est de prendre en compte l’histoire littéraire. Sans doute cette idée est-elle trop radicale pour que Max Jacob ait pu l'assumer; d'où la pique contre la «devanture», qui en offrait pourtant l'exact équivalent: dans la redéfinition du genre vers laquelle il tend il est impossible de distinguer la devanture et le bijou; c'est leur réunion qui forme «l'objet construit». On considère généralement que le créateur de ce style poétique est Aloysius Bertrand qui en fit lutilisation dans Gaspard de la nuit un recueil de poèmes. Dans le partage que j'ai évoqué, Fargue incline ainsi du côté de Baudelaire. Dans la fameuse querelle des Anciens et des Modernes, ces derniers prennent le parti de Télémaque qui est proclamé un poème. Cependant l'attestation historique du genre en tant que catégorie hypertextuelle ne fait aucun doute. C'est dans cette perspective que j'ai tenté de réfléchir à trois sujets classiques de la poésie française: le poème en prose, le vers libre et le «genre» dont le Coup de dés de Mallarmé devait être l'essai. Dans ce cas le statut générique de poème est donné comme une propriété du texte-source réel ou supposé, et le travail se focalise sur les procédés de restitution de schèmes formels liés au vers et aux superstructures métriques (comme le refrain). Une histoire du poème en prose, par Michel Murat, Cet article a paru dans Le Savoir des genres, sous la direction de Marielle Macé et Raphaël Baroni, Presses Universitaires de Rennes, « La Licorne », 2007. Mais rien encore ! La démarche de Reverdy est conceptuelle et non stylistique. Les deux, pourtant, se combinent en un genre créé dans la première moitié du XIXe siècle. De Reverdy ce que je retiendrai c'est d'abord la vigueur du geste d'appropriation: l'entrée en poésie sous un titre générique. Il en résulte aussi que la mémoire du genre est incorporée au poème, qui la transforme en sa propre substance, si bien qu'elle n'apparaît jamais isolable localementsous forme de citation ni d'allusion; sur ce point l'écart avec Fargue, qui avait glissé dans ses textes une sorte d'anthologie stylistique de Baudelaire, Nerval et Rimbaud, est remarquable. Dans un poème en prose, la musicalité repose non sur la métrique, sur la rime ou le découpage en vers, mais sur l'organisation syntaxique et les effets de rythme qui en découlent. Qui, séduite, pourrait t' absoudre et te sacrer, O Guerre, Guerre impie, assassin qu'on encense, Je resterai, navrée et dans mon impuissance, Bouche pour te maudire, et cœur pour t' exécrer ! ». Il oscille entre 2 styles : la poésie engagée au cours des guerres de religions avec ses œuvres Les Hymnes etLes Discours et la poésie lyrique, avec les recueils Les Odes etDes Amours. cit., p. 312. Max Jacob poursuit par une critique de Rimbaud, dont le «désordre» (antinomique à l'exigence de «style») ne peut être un modèle, et propose une série de distinctions génériques: La difficulté du texte vient, me semble-t-il, de ce qu'il ne parvient pas à choisir entre deux conceptions. [xvi] A une exception près, celle d'Alphabet. De même, dira bientôt Reverdy en complétant la lignée, Baudelaire avait continué Bertrand en «réalisant un genre différent[xxii]». Ballade de la geole de Reading. Sur un autre plan, on ne peut qu'être frappé de la pauvreté des hypothèses théoriques avancées jusqu'ici. Chez A. Bertrand dans « Ondine », ces para­graphes sont séparés par des blancs et par un signe récurrent, une étoile. Qu'il soit rimé ou non, le vers donne le rythme du poème. Le poème en prose présente une souvent des associations d’images au lieu d’une histoire. Les deux traits fondamentaux du poème en prose, à savoir son caractère «second» (le recyclage de formes antérieures) et la divergence de visée entre poésie non versifiée et prose littéraire, permettent de comprendre certains aspects déconcertants de l'histoire du genre. [xx] Valery Larbaud, «Les poèmes de Léon-Paul Fargue», Le Mercure de France, n° 1196, juin 1963, p. 258. Ils relèvent souvent d'une sorte de fantastique intime ou onirique, mais pénétré de réflexion morale (Marche forcée, L'envers et l'endroit, Honteux à voir): de petites fables métaphysiques, peut-on dire par analogie avec les peintures de Chirico. Multitude de figures de style (comparaison, métaphore, etc.) Le vers libre et le Coup de dés ont donné lieu à deux ouvrages; je reprends ici dans une perspective plus large la question du poème en prose, que j'avais abordée à propos de Rimbaud[ii]. Exemple de poésie en vers : Tristesse, sonnet d'Alfred de Musset J'ai perdu ma force et ma vie… Ce qui chez Fargue procède des Illuminations, c'est la construction du poème par séquences d'images qui tiennent lieu de logique narrative ou descriptive. Dans Divagations — comme déjà dans Pages — il intègre ces poèmes dans un volume de prose, à côté des essais critiques (option différente de celle de Baudelaire et inverse de celle des Illuminations). Pensons aux boîtes de Duchamp: la première, celle de 1914, contient la reproduction photographique de notes manuscrites et de dessins, ainsi qu'une réduction photographique de trois «stoppages-étalons»; le dispositif assure la reproduction, la réduction, l'homogénéisation du format, la transformation du geste d'invention en document d'archive (les boîtes sont celles qui contenaient les plaques photographiques utilisées par la reproduction). Toutefois, la prose poétique restait de la prose, un moyen supplémentaire pour le romancier, une marque de son style, sans constituer une véritable forme de poème. En forçant le trait, elles se ramènent à deux.

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