la mer chez baudelaire
Il induit un mouvement de retour, une image en miroir entre créateur, création et créature. Il y a, comme l’écrit Bachelard, “dans la substance de l’eau un type d’intimité, intimité bien différente de celles que suggèrent les profondeurs du feu ou de la pierre“. L’ajout d’« Obsession »xxxi, répondant marin de « Correspondances »xxxii, en signifie la faillite dans un retournement cauchemardesque, toute ouverture vers l’altérité devenant impossible. Baudelaire: Le Poète et la Mélodie des Eaux. À travers l’hypotypose naît l’idée que la création poétique implique la souffrance en laquelle elle se fonde, mais la transcende par l’élan vers le large. La Femme dans l'oeuvre de Baudelaire. Après s’être plongé avec délices dans la contemplation de l’infini, le poète éprouve soudain un vertige de perdition « car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vitexiv ! Le parallélisme structurel du troisième quatrain met en évidence le rapport duel qu’implique une quête perpétuellement entretenue parce qu’on sait qu’il y a des trésors à découvrir et que ces trésors ne seront jamais découverts. La mer est ton miroir; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. L’eau, écrit Bachelard "est un support d’images et bientôt un apport d’images, un principe qui fonde les images. Il est lauteur dun recueil Les Fleurs du mal dans lequel il exprime tout à la fois son aspiration à lidéal et la conscience de ne pouvoir y parvenir. Or, la leçon optimiste des sections métaphoriques est en contradiction avec celle des six premières, que, certes, elle prétend dépasser et donc annuler. âLâHOMME ET LA MERâ Homme libre, toujours tu chériras la mer! Baudelaire est à la fois celui qui voudrait croire – en Dieu comme dans le pouvoir du poète – et celui que son expérience confronte inexorablement à la perte de toute foi : foi religieuse, foi dans la fonction orphique, foi dans le pouvoir qu’aurait la poésie lyrique de donner forme à l’informe, et par là de contenir l’indéfini. Deux éléments au moins viennent remettre en cause cette lecture proposée non seulement par la lettre, mais aussi par le réseau symbolique marin et le lien voulu par le poète avec « L’Albatros ». Par comparaison, l’écriture classique prête moins d’importance au rapport sensible, l’écriture symboliste moins d’importance au processus d’intellectualisation. 2016. 117 Le paysage cependant demande à être précisé : les synesthésies nâinterviennent jamais dans une perspective de grand large mais toujours dans le cadre dâune île ou dâun port présentant la mer en arrière-plan. En quoi Baudelaire se révèle le plus inquiet des Romantiques, cherchant à donner forme et sens à l’obscurité, mais aussi le premier des Modernes, désespérant de cette tentative pour affronter le gouffre dans sa béance vertigineuse. Alors que les successeurs de Bernardin de Saint-Pierre se contentent de voir, d’une façon qui demeure en fait assez abstraite, la totalité de l’étendue marine comme le miroir de l’infini et du créateur, il analyse beaucoup plus précisément un phénomène optique. En second plan, l’image du port se concentre sur les navires. « L’Albatros », nous l’avons vu, renforce à l’orée du recueil la lecture romantique, induisant dans sa logique une lecture similaire du « Voyage ». UVic Library. Swipe to page Lecture du texte Problématique : No cette correspondanc Plan : Nous verrons lhomme et la mer, no ors ans quel but il ét⦠» Le mouvement de bascule de la perception confiante de l’infini à l’appréhension incontrôlable de l’indéfini transforme sa réaction face au paysage, provoque sa révolte, et surtout paralyse sa faculté créatrice. Ainsi Baudelaire se fond dans la mer, il est mer : âIl arrive quelquefois que la personnalité disparaît et que lâobjectivité, qui est le propre des poètes panthéistes, se développe en vous si anormalement que la contemplation des objets extérieurs vous fait oublier votre propre existence, et que vous vous confondez bientôt avec eux. 23 Mar. Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,Tant vous êtes jaloux de garder vos secretsix ! Métaphoriquement, l’infini diminutif définit donc à la fois un art poétique et une fonction du poète : contenir l’infini, donner forme à ce qui menace de sombrer dans l’informe, dans l’intention, non d’atteindre l’Idéal, ce qui relève du non-sens, mais de le suggérer, le cadrage ne devant bien sûr pas être compris comme une réduction, mais comme une approche analogique de l’infini. Pourtant, Baudelaire retravaille ce poème de jeunesse et y ajoute une strophe qui par ses violentes allitérations dissonantes, à la limite de la cacophonie, mime l’étranglement du poète. Nous rejoignons ici la conception romantique du pouvoir du poète conçu comme révélateur au cœur des harmonies. Cette construction de l’esprit opère aussi en sens inverse. donnez-moi la force et le courageDe contempler mon cœur et mon corps sans dégoûtxi ! D’une part, la métaphore est nourrie au contact des synesthésies, inépuisable source de sensibilité et de sensualité grâce à laquelle le poète exploite le potentiel suggestif de l’image archétypale de la mer ; d’autre part, elle est retenue par son inscription au sein d’une quête métaphysique qui lui confère la portée d’un symbole. de la mer jouent un rôle important dans cette perpétuelle recherche de soi. Ainsi, ce dont nous parle Baudelaire, serait de la difficulté pour les hommes à se comprendre eux-mêmes, et ce, malgré tous ces siècles de philosophie quâils ont déjà laissé. Baudelaire, tout en mettant l’accent sur les synesthésies, s’y conforme à la représentation romantique des analogies : dans cette perspective, la mer est tout entière du côté de l’Idéal, formant ainsi une exception notable dans le recueil. La mer est toon miroir; tu contemples ton âme. Le poète, en effet, est seul face à la solitude de son âme : le miroir de la mer lui parle. Une autre forme de musique apparaît ainsi : l’eau courante et le vent cèdent leur place à la puissance des houles. Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. La plus frappante d’entre elles qui, par son audace, pourrait être érigée en emblème de la transmutation poétique opérée par l’analogie marine, se rencontre dans « La Chevelure »xxiii : Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresseDans ce noir océan où l’autre est enfermé. â Charles Baudelaire. Toujours est-il que le rêve de la forme efficiente, d’un infini dompté dans le cadre du poème, se perdxxix. La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme. Entre les hommes eux-mêmes ?Plus probablement sâagit-il du combat entre lâhomme et lui-même. C’est au sein même de cette tension que doivent se chercher le sens et la beauté, débusqués par une dynamique d’échanges en miroir. Il dit « tu » en parlant à l´homme ce qui montre sa relation intime avec ce-lui. Lui est substitué comme un leitmotiv dans la deuxième édition des Fleurs du Mal, l’obsession de « l’infini que [le poète] aime et n’[a] jamais connu », quête postulée par « Hymne à la Beauté », du nouveau que « Le Voyage » prétend atteindre par la plongée métaphorique dans la mer des Ténèbresxxx. Charles Baudelaire (1821-1867) est un poète postromantique considéré comme l'initiateur de la modernité par l'audace de ses images, son goût de la contradiction et l'originalité de son oeuvre. Du combat entre lâhomme et la mer ? Ce n’est que dans Mon cœur mis à nu, à partir de 1859, que Baudelaire donne une formulation nette à la résolution de ce problème dans le fameux passage sur l’infini diminutif : Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si éternellement agréable ? L’île, d’abord, se présente comme une nature idyllique offrant tous les caractères du rêve exotique, beauté, chaleur, douceur, parfum, en un mot bonheur comme l’annonce le premier terme définissant ces rivages. Sous l’influence de la pensée analogique et parce que la quête du sacré coïncide avec un effort de perception holistique du monde conçu comme cosmos porteur de sens, la métaphore marine tend chez les Romantiques à s’organiser en symbole, c’est-à-dire à développer une intuition sensible ou affective en appréhension intellectualisée. A la belle Dorothée. Si lire Hugo à la lumière de la pensée analogique va de soi et permet de déceler l’orientation profonde de nombre de ses recueils poétiques, lire Baudelaire sous le même éclairage est une entrée particulière, étroite, en ce sens qu’elle s’avère non pertinente pour expliquer la seconde esthétique du poète, à partir du moment où la confrontation avec la ville moderne le conduit à révoquer en doute cette conception romantique. « La Chevelure », intercalée après « Parfum exotique », conforte la veine des poèmes de l’amour sensuel, l’accent mis sur la puissance des synesthésies ; nous avons vu pourtant que la synecdoque ouvrait en son sein une béance, la possibilité de faire naître l’Idéal autrement que par référence à une transcendance. Il a écrit des livres, tel que le recueil de poème Les Fleurs Du Mal, sorti en 1857, donc en plein règne de Napoléon 3. Couvert d'opprobre, son auteur subit un procès retentissant. L’eau va jusqu’à se substituer à l’impression, au sentiment vécu. 19Ce phénomène poétique d’extension du procédé métaphorique est frappant chez Baudelaire. Or, l’œuvre de Baudelaire nous donne précisément à explorer cette évolution : elle reflète une conscience qui bascule avec réticence vers une appréhension profane du monde, de telle sorte que, tout en maintenant une organisation symbolique qui trouve sa source dans une référence transcendante, le poète donne aux synesthésies un développement si puissant qu’il tend à faire basculer l’origine du sens dans une saisie des sens. En arrière-plan se profile un port qui suggère toute la magie du grand large. Dans Le poème du haschisch, le lecteur retrouve une variante de Du vin et du haschisch : L’harmonie qui se dégage de ces eaux est due, pour une bonne part, au caractère, sonore des éléments. La technique d’écriture se caractérise par le fait que la résonance suggestive prend son essor à partir d’une visualisation très concrètement dessinée par l’imagination matérielle : la fermeté du trait, la précision des détails, au premier et peut-être surtout au second plan, permettent ainsi un processus d’idéalisation de l’arrière-plan, voire de l’au-delà suggéré. Joseph Vernet - Dessinateurs Face À Une Cascade Au Pied Du Tivoli. Comme l’écrit Poe dans Eurêka. Elle a dâautres poissons, Dâautres vagues aussi. En prenant en considération la femme chez Baudelaire, beaucoup de chercheurs ont examiné la relation entre Baudelaire et sa mère, et la façon dont elle apparaît dans ses poèmes. Ce balancement perpétuel revêt un caractère divin : Claude Monet, Soleil couchant à Etretat (1883). Le voyage dont la raison d’être réside dans un but à atteindre ne peut que vouer le poète à la déception : « Un Voyage à Cythère », les six premières sections du « Voyage » en 1859, le poème en prose « Déjà ! Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes, Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets! au fond desquels on voit la mer et le ciel, des hommes et des femmes, sérieux et tristes aussi, mais bien plus beaux et bien mieux habillés que ceux que nous voyons partout, parlent avec une voix chantante. 29Et voilà la leçon de « La Musique » renversée, l’incapacité du poète proclamée, précisément dans le dernier vers dont la fonction consiste si souvent à ressaisir le poème par un effet de bouclage. Anthologie Recueil : La Fable du monde (1938). Web. La dernière strophe des « Phares » redit cette douleur partagée. Le spectre du spleen se dresse à nouveau, que la mer pourtant semblait jusqu’ici conjurer. 23Jalon posé dans les « Tableaux parisiens », cette strophe guide le lecteur vers le « Berçant notre infini dans le fini des mers » du « Voyage ». viens voyager dans les rêves ». Car si elle exprime bien l’indicible, la figure de l’analogie baudelairienne rompt avec l’esprit des analogies, en ce sens qu’elle fait l’économie de la transcendance. Johan Barthold Jongkind - L'entrée du Port de Honfleur (1864), Source intarissable de méditation, la mer est d’abord, pour le poète, un bonheur, Mais si les cascades étaient déjà mélodieuses, les proportions sont ici multipliées par la “mélodie monotone de la houle“. 16L’esprit conçoit abstraitement ou pallie par l’imagination ce dont il ne saurait se faire une représentation concrète. 10L’ambivalence de ce rapport se retrouve exprimé de façon tout aussi frappante dans « Un Voyage à Cythère » dont la composition semble avoir accompagné celle de « L’Homme et la merx ». Ceci est vrai et se donne manifestement à lire, d’autant plus – Baudelaire le sait et ne peut qu’en jouer – que son lecteur est spontanément enclin, par le mode de pensée qui est encore le sien en 1861, à associer poésie et analogies, en particulier à propos d’une thématique qui s’y prête aussi volontiers que celle-là. Title: Les images de l'eau chez Baudelaire: Creator: Steele, Elizabeth Jane: Publisher: University of British Columbia: Date Issued: 1987: Description: This study examines the correlation between water imagery and the expression of Spleen and the Ideal, the two poles of the psychological struggle fundamental to Baudelaire's identity. Plutôt que tracé, l’horizon marin est évoqué, deviné à travers le rêve : il apparaît ainsi à la fois présent, flou et comme apprivoisé par le regard humain. Le premier plan est terrestre, souvent limité à une chambre. Confession d’incompétence, aveu de tentation, aveu de renoncement à partir en quête de l’Idéal. La mer â qui fascine Baudelaire, Lâ « océan où la splendeur éclate » (MÅsta et errabunda). 18 Tel est bien sûr le sens de « L’Homme et la mer », dont la dynamique spéculaire, les jeux de parallélismes et de syllepses, témoignent de la similitude entre deux infinis analogiques l’un de l’autre. Aux côtés de la métaphore en tant que trope ou trope continué, elle donne un rôle privilégié à la synecdoque qui enrichit le travail poétique de transmutation du sensxxi. La mémoire, c'est la scène principale â le deuil et la mélancolie sont capables de ramener les figures antiques jusque dans la modernité. « À celle qui est trop gaie. Il est difficile de saisir ce que Baudelaire perçoit véritablement, car cette musique là se forme en réalité dans l’esprit du poète, comme les sons auxquels il attribuait un pouvoir particulier. Rarement stagnante, l’eau se présente souvent pour Baudelaire sous forme de cascade, ou de jet d’eau. Man and the Sea Ce poème réalise ainsi une des quêtes baudelairiennes fondamentales, d’ordre à la fois esthétique et métaphysique : traduire par des images nécessairement finies l’infinixx, ainsi que l’affirme avec force « Le Voyage » : Et nous allons, suivant le rythme de la lame,Berçant notre infini sur le fini des mers.
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